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13 janvier 2011

La vie est brève et le désir sans fin

Entre Paris et Londres,  Nora partage sa vie et son cœur. Entre Blériot et Murphy,  elle oscille et manipule, laissant dans son sillage la trace douce-amère de la passion.

 

Insaisissable, elle est pour le lecteur, à la fois le personnage central et celui dont jamais il n’adopte le point de vue. Le triangle amoureux est décrit  par deux hommes qui ne sont pas amis, contrairement à Jules et Jim, mais qui sont tout aussi éperdus et dominés que les protagonistes de Truffaut.

Nora, valise à la main et sans le sou, cherche à être comédienne et se caractérise par son absence. Une absence souveraine et ingrate qu’elle assimile à la liberté.  Dans son va et vient incessant, elle n’en oublie pas de vieillir et de se faner, si bien qu’à la fin du roman, le verni craque et qu’elle ne trompe même plus le lecteur sur le vide de son existence et sur le manque que  représente finalement le fait de n’avoir pas d’enfant et de n’être aimée que partiellement.

Blériot végète à Paris entre son job ponctuel de traducteur et sa femme Sabine, trop brillante et trop belle pour lui, de qui il vit aux dépends. Mal intégré à son milieu bourgeois il culpabilise et s’efface, à la fois trop sensible et trop associable pour assumer la nonchalance de son dandysme.

Et finalement Murphy, ancien mathématicien reconverti  dans la finance, vivant dans un monde esthétisant et froid, moins immature et névrosé que les deux autres, mais tout aussi antihéros dans sa banalité.

« Mon rêve est de rendre au lecteur la vie transparente ». Le  projet d’écriture de Lapeyre est ambitieux. Plus accessible que pour ses romans précédents, l’intrigue de « La vie est brève et le désir sans fin » est encré dans ce que le réel a de plus quotidien,  mobilise le vécu  du lecteur et l’invite à s’identifier pour comprendre. Dans ce but, chaque mot est pesé et désire avoir une résonnance particulière. Le drame de la vie des personnages est traité avec une étrange légèreté, comme s’ils avaient tous les trois conscience de la fatalité de leur souffrance. L’exactitude de son langage et  la musicalité de sa plume montre que Lapeyre a voulu  a travers la description des détails insignifiants et quotidiens, mettre en valeur la dimension poétique de la vie. Comme pour nous ouvrir les yeux sur l’importance des gestes, même les plus menus.

En cela, malgré la trajectoire tragique de son roman, il parvient à maintenir cette légèreté heureuse, en partie grâce aux dialogues  gracieux et souvent délicieusement drôles. L’écriture distanciée et parfois décalée maintient Lapeyre à l’écart de la caricature bobo et parisienne des situations. Ainsi le récit est jalonné de phrases surprenantes , qui maintiennent notre attention comme lorsqu’il débute un chapitre en écrivant  « Au bord du lac, Murphy Blondale aperçoit fugitivement un couple d’obèses vêtus comme des martiens qui prennent des photos de tout ce qu’ils voient, dans l’intention probable de les revendre un jour sur Mars », ou lorsqu’il décrit au bord de la route des pancartes publicitaires de « hamburgers  à l’horizon qui excitent la convoitise des enfants et démoralisent les animaux ».

Puisque Lapeyre dit tout, même ce qui est inavouable, il ne reste qu’à nous laisser porter par le récit, avec toute l’empathie dont on dispose, et comprendre que l’auteur nous parle d’égal à égal de sa vision de l’amour. 

 

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